Comment développer une stratégie de fidélisation client transverse à l’international ?
Quels sont les principaux enjeux du développement d’une stratégie de fidélisation client à l’international ? Comment mettre en place une stratégie adaptable à l’ensemble des pays ? Pour répondre à ces questions, nous avons interviewé Caroline Kazmierczak, Consultante en Marketing Client.
Caroline a près de 20 ans d’expérience dans le retail avec des postes de management dans le digital et le marketing client.
Après de belles réalisations dans des environnements internationaux chez Packard Bell, Vertbaudet, La Redoute, Nocibé, Pimkie…. Elle a eu envie de nouvelle dynamique. Elle s’est donc lancée en tant que Consultante en 2020 dans le but d’accompagner les entreprises dans l’amélioration de leur stratégie de marketing client au service du business et de l’expérience client. Elle apporte une vision 360° du parcours Client & Collaborateur.
Comment développer une stratégie de fidélisation et s’équiper d’un nouvel outil lorsque l’entreprise est implantée à l’international ?
Caroline : Dans mon expérience internationale j’ai compris l’importance de mieux connaître mes interlocuteurs, leurs équipes et leur culture pour la réussite du projet. Voici 4 éléments à prendre en compte pour développer le projet.
Je suis allée à la rencontre des équipes locales, dans les points de ventes, mais aussi visité des enseignes d’autres secteurs pour identifier le fonctionnement local.
Il faut effectuer un tour de chaque pays, ne pas s’arrêter aux avis ou a priori qu’on nous communique pour définir notre stratégie internationale.
En allant à leur rencontre, en expérimentant le terrain, on se construit des piliers qui seront essentiels pour le déroulé de la stratégie et faciliteront la compréhension.
Ce n’est pas un secret, chaque passage sur le terrain est une mine d’or d’informations. On vit et discute avec ceux qui sont en contact avec nos clients.
J’ai un exemple concret de constat que je ne pouvais faire qu’en me rendant sur place. Notre stratégie était de passer toutes les inscriptions du programme de fidélité en format digital. Je suis favorable à cette démarche de digitalisation mais j’avais un refus de notre équipe en Allemagne qui m’expliquait que ça ne passerait pas chez eux : « culturellement on est sur des formulaires papier ». Je suis allée à leur rencontre et nous avons fait un tour de la concurrence. J’ai réalisé des inscriptions dans des magasins en Allemagne et je suis rentrée en France avec une pile de formulaires papier de diverses enseignes (Yves Rocher, Body shop, Douglas,…).
Le constat était évident, la direction ne pouvait plus refuser cette adaptation pour l’Allemagne. La richesse de ce déplacement m’a permis de devenir la porte-parole de l’Allemagne et ainsi de mieux adapter certaines spécificités.
Quelles sont les barrières fréquentes ?
Caroline : le principal obstacle n’est pas technologique, même si ces éléments peuvent être compliqués et contraignants dans le cadre d’un projet, les outils/ solutions techniques s’adaptent.
L’humain et la capacité d’adhérer au projet commun est un point sensible. Il faut s’assurer de la l’adhésion de chacun, partager avec chaque partie prenante une vision, une démarche claire pour une bonne compréhension du projet, de ses enjeux et objectifs.
S’il n’y a pas de lien hiérarchique, ce qui était le cas pour moi, il est important d’avoir le soutien de la direction, du CEO qui a exprimé une stratégie de développement de la connaissance client et de la fidélisation. En adoptant une démarche animée par de l’écoute de ses interlocuteurs, la compréhension des différentes cultures et le partage, on favorise la création d’un collectif avec nos interlocuteurs pour une co-construction de la stratégie de fidélisation internationale.
Quelques conseils pour les éviter ?
Caroline : en complément des points précédents, on doit intégrer les pays suffisamment en amont du projet/ de la stratégie pour les embarquer et faire en sorte qu’ils se l’approprient et s’y identifient.
L’acculturation nécessite de la patience, il faut prendre le temps de répéter les mêmes contenus, les reformuler, jusqu’à la compréhension et l’appropriation. Selon le nombre de pays, le niveau de maturité de chacun… et même la culture de l’entreprise, cela prendra plusieurs mois pour commencer à percevoir les premiers effets.
Pourquoi est-ce important d’apporter une notion de transversalité dans le développement d’un projet CRM ?
Caroline : dans le cadre du développement d’un projet CRM international, la transversalité permet de mutualiser les efforts, de gagner du temps et de faire des économies d’échelle.
Autre avantage, sur un projet transverse je peux mettre en place les mêmes indicateurs de performance et ainsi faciliter le pilotage sur l’avancement et la performance des pays.
Par contre, il y a un point de vigilance que je souhaite souligner et que j’ai déjà pu constater : le choix de la solution CRM doit se faire de façon objective sur base d’une grille de notation qui prendra en compte de nombreuses variables par pays (intégration dans l’environnement martech des pays, l’exploitation de la donnée existante, besoins métiers sur la stratégie décrite, facilité de prise en main par les équipes, le support par pays pris en charge par le siège ou le fournisseur, prix…).
Dans ces critères, il faut intégrer la notion d’écart de maturité entre les pays (ex : taille de la base clients, canaux utilisés, les best practices culturel entre les pays…). J’ai déjà rencontré cette situation où les options choisies au sein d’une solution CRM ne convenaient pas à tous les pays. J’ai alors démontré à la direction que l’option actuelle convenait parfaitement aux plus petits pays mais n’était pas assez puissante pour un autre pays. Une démarche a ainsi été activée pour upgrader l’option de routage des emails de ce pays.
Ma conclusion : le choix d’un outil transverse permet de mutualiser les efforts et l’expertise, gagner du temps dans le déploiement, faciliter la duplication de best practices et faire des économies d’échelle… Cependant, il faut accepter de customiser des options technologiques pour coller au mieux au pays.
Faut-il développer une seule et même stratégie pour l’ensemble des pays ?
Caroline : certains secteurs peuvent avoir plus d’intérêts que d’autres pour un programme de fidélité unique et international. Exemples : l’hôtellerie Marriott, Accord hôtel, les compagnies aériennes…
Dans le prêt à porter, les marques internationales peuvent prétendre à un programme de fidélité unique facilitant et unifiant aussi l’expérience client, si cela est intégré dans leur stratégie client.
Ex Mango : votre cagnotte est accessible et active au-delà des frontières. Une cliente française pourra débloquer sa cagnotte dans un magasin barcelonais et poursuivre son cagnottage avec ses achats en Espagne.
On doit pouvoir ajuster la stratégie aux spécificités locales qu’elles soient culturelles, concurrentielles et en fonction de la maturité du business. Cela dépendra également de la structure de l’organisation sur le marketing client. Une gestion locale au sein de chaque pays ou centralisée ?
Pourquoi est-ce utile de se faire accompagner dans le développement d’une stratégie et d’un outil de fidélisation lorsque notre entreprise est présente à l’international ?
Caroline : que l’on soit à l’international ou pas, j’identifie 3 grandes étapes, pour lesquelles le niveau d’accompagnement peut être différent selon l’entreprise :
- L’expression du besoin
En amont du projet, il est important de bien définir son besoin et sa feuille de route. Cette étape est structurante pour la suite du projet !
Pourquoi ai-je besoin de faire évoluer ma stratégie de fidélisation ? Comment s’inscrit-elle dans la stratégie globale de l’entreprise ? Quelle expérience client je veux mettre en place ? Quels sont mes points de différenciation avec la concurrence ? …
Je conseille de prendre du temps pour bien le préparer et comprendre les solutions du marché qui sont proposées afin de choisir celle qui répondra bien à son besoin et ne pas avoir un outil sous ou sur dimensionné !
- Le déploiement jusqu’à la mise en production
Pendant la phase plus technique (cadrage, de design, définition du modèle de données…), selon la structure de l’entreprise, un support sera rassurant pour le bon déroulé du déploiement, la connexion entre les différents environnements et la montée en compétence des équipes.
- La phase de run
On commence par le rapatriement des uses cases existants dans le nouvel environnement et les premières applications de la stratégie avec l’exploitation de la nouvelle solution. On exploite pleinement l’outil pour répondre à ses enjeux et objectifs qui ont été définis dans la phase préparatoire avec l’expression du besoin.
Une structure plutôt junior sur le sujet aura besoin d’un accompagnement plus opérationnel pour assurer la mise en œuvre de la feuille de route et la prise en main de la solution. À ce stade, l’équipe aura besoin d’être en mesure de comprendre et d’appliquer la stratégie.
Une organisation plus avancée en stratégie Marketing Client cherchera à accélérer sa montée en expertise et sa mise en œuvre. L’accompagnement par le partage de best practices éprouvés permettra de gagner du temps. Une fois l’équipe montée en expertise, le suivi réalisé sera plutôt destiné à challenger leurs nouvelles idées, faciliter le développement de nouveaux tests et projets sur la partie à la fois technique et métier.
L’accompagnement à cette étape permet non seulement d’assurer une bonne appropriation de l’outil mais aussi procure de la satisfaction dans le choix de la solution qui répond à la stratégie de l’entreprise.
Le niveau d’accompagnement doit être sur-mesure pour chaque entreprise, chaque projet et chaque équipe.
Comment gérer la stratégie RGPD quand on gère la data au niveau international ?
Caroline : il y un DPO qui prend le lead, et qui se coordonne avec le DPO référent de chaque pays. Il faut écrire une stratégie commune, la réglementation est la même pour tous les pays d’Europe. La donnée est-elle traitée en local ou centralisée au siège pour une approche uniforme ? Ce sujet touche l’ensemble de l’environnement Martech et structure SI.
Avoir un traitement global, uniforme et centralisé, peut paraître plus facile pour mutualiser les efforts et la mise en œuvre des règles. Pour ce faire, les architectures de données doivent être similaires avec des systèmes compatibles pour communiquer etc… ce qui est rarement le cas. Ce sujet complexe doit être bien cadré avec le DPO et appliqué avec l’équipe technique + métier.
L’interview de Caroline montre l’importance d’être bien accompagné dans ce projet d’envergure et d’avoir une personne en mesure de se rendre sur le terrain, d’analyser les différentes pratiques locales et de proposer des solutions d’adaptation en fonction des pays, comme nous avons pu le voir avec l’exemple de Caroline en Allemagne.
Un projet de fidélisation à l’international possède cependant, de grandes similitudes avec le développement d’un projet à l’échelle nationale. Il est important de prendre les éléments suivants en compte :
- Définir les objectifs du projet et connaître le marché local
- Rassembler les différentes ressources dans chaque pays dès le début du projet et identifier leurs besoins
- Effectuer une cartographie des outils déjà en place
- Identifier les bénéfices concrets pour chaque pays
- Partager l’information avant et pendant le projet à l’ensemble des parties prenantes afin de les impliquer et de faciliter les prises de décisions.
Caroline insiste également sur le relationnel qui est d’autant plus crucial à développer lorsque la proximité géographique n’est pas présente et que les échanges informels se font moins nombreux. Ce lien permet de construire une relation de confiance tout au long du projet.
D’un point de vue data, nous pouvons également apporter une réflexion sur le fait d’avoir une vision très claire, dès la définition du projet et de ses objectifs, sur la gestion de la data dans chacun des pays : Les datas collectées sont-elles collectées de la même manière d’un pays à un autre ? Sur les mêmes outils ? Au même format ? Sont-elles accessibles à l’ensemble des pays ? Qui en est responsable ? Sont-elles utilisées de la même manière ?
La maturité des pays en termes de traitement de la donnée est aussi un élément clé à prendre en compte lors de l’élaboration du plan d’action afin d’adapter votre stratégie de fidélisation et la formation du personnel dans chaque pays et d’adapter votre accompagnement.